Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/339

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toutes les nations de l’Europe, l’élément des révolutions existe, et toutes n’ont pas l’étoffe d’un duc d’Orléans pour les terminer. »

A l’issue de cet entretien, voici en quels termes Louis-Philippe s’exprima, sur les trois commissaires, devant quelques-uns de ses familiers qui l’attendaient dans une pièce voisine : « M. Odilon-Barrot a été sentencieux et doux M. Laffitte solennel, M. Arago extrêmement vif. »

Cependant, autour de Saint-Méry, les attaques succédaient aux attaques. Pressés avec acharnement, cernés, réduits presque de moitié, et n’ayant plus qu’une centaine de cartouches, les insurgés déployaient une intrépidité devenue l’objet d’un étonnement universel. Un vieillard, au front chauve, à la barbe grise, tomba mort dans l’intérieur des barricades, au moment où il élevait un drapeau tricolore en conviant ses compagnons à un effort désespéré. Près de lui, un jeune homme, qui battait la charge, eut la main gauche fracassée par une balle ; on voulut le transporter à l’ambulance : « Quand ils seront partis » dit-il, et il continua de la main droite. Un des combattants de la rue se plaignant de la faim et demandant qu’on fit apporter des vivres : « Des vivres ! répondit Jeanne : il est trois heures, et à quatre heures nous serons morts ! » Il fallut recourir à l’artillerie ; il fallut former le siège de ces quelques monceaux de pierres défendues par une poignée d’hommes. Deux pièces de canon, placées en avant de St-Nicolas-des-Champs, furent pointées contre la petite barricade du nord, dont les boulets, dans leur volée, emportaient des