Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/345

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conseils de guerre, établis en permanence dans la capitale, ne firent que paraître sur la scène. Saisie du pourvoi d’un jeune peintre, nommé Geoffroy, que l’un de ces conseils de guerre avait condamné à mort, la cour de cassation décida, sur la plaidoirie de M. Odilon-Barrot et contrairement aux conclusions de M. Voisin de Gartempe fils, avocat-général, que le conseil de guerre de la première division militaire avait commis un excès de pouvoir ; que les règles de la compétence avaient été violées ; qu’on avait forfait à la Charte[1].

Une approbation universelle, immense, accueillit cet arrêt mémorable, devant la majesté duquel le gouvernement dut s’incliner, quoiqu’il se reconnut par là coupable du même attentat que la révolution de juillet avait fait expier à Charles X.

Ce fut, par conséquent, devant le jury que comparurent tous les vaincus du mois de juin. Et alors se firent jour ces grands caractères, ces natures d’élite, qui, dans les temps calmes et les civilisations imparfaites, restent à jamais comprimés sous un inflexible niveau. C’est ainsi que, dans un des procès auxquels donna lieu l’insurrection on remarqua l’attitude courageuse et noble l’éloquence simple, mâle et entraînante d’un tailleur nommé Prospert.

On a vu de quelle manière Jeanne était sorti des barricades. Depuis, la police n’avait cessé d’avoir l’œil sur lui, avertie qu’elle était de ses moindres démarches par un traître dont elle soldait probablement le déshonneur. Mais, comme Jeanne était

  1. Voir aux pièces justificatives, n° 4.