Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/356

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famille extérieure, se formait un petit groupe d’assistants qu’attirait la curiosité. Une cérémonie bizarre, en effet, devait avoir lieu ce jour-là : la prise d’habit.

En adoptant un costume distinctif, les saint-simoniens avaient pour but, non seulement de constater leur originalité comme secte, mais encore de conserver quelque influence sur une société qu’il ne leur était plus loisible d’émouvoir par des publications quotidiennes ou d’infatigables prédications. C’était, d’ailleurs, une excellente épreuve à faire subir aux convictions de chacun d’eux ; car il fallait un courage tout viril et une croyance singulièrement audacieuse, pour revêtir les insignes d’un apostolat qu’allaient sans doute attendre au passage l’incrédulité, l’ironie et l’insulte.

Il avait donc été décidé qu’on prendrait un costume particulier. M. Edmond Talabot en avait fait le dessin et surveillé l’exécution. Rien de plus élégant, de plus simple et de plus commode que cet uniforme : un juste-au-corps bleu qui s’ouvrait par devant sur un gilet dont l’ouverture était cachée, une ceinture de cuir, un pantalon blanc, une toque rouge, voilà ce qui le composait ; le cou était nu, et l’on devait porter la barbe longue, à la manière des Orientaux.

La cérémonie de la prise d’habit fut le sujet de scènes étranges, mais qui donnent une idée assez juste de la seconde phase du saint-simonisme. Le Père Enfantin qui, depuis trois jours, s’était absenté, parut à deux heures, le 6 juin, aux yeux de la famille qui l’attendait avec émotion et