Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/359

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nation du libéralisme, les esprits légers peuvent n’y voir que la matière d’un piquant contraste, mais le philosophe y découvre autre chose. Comprimé à l’excès, le sentiment religieux et démocratique réagissait enfin, et cette réaction ne devait pas être stérile, bien qu’elle s’annonçât au milieu de circonstances bizarres, sous les formes d’un mysticisme trop ingénu, et avec une solennité dont l’exagération avait quelque chose de puéril. Et ce qui rend le fait plus extraordinaire, plus digne d’être enregistré, c’est que les fidèles ici étaient presque tous des hommes instruits, studieux, spirituels, éloquents, et fort habiles eux-mêmes à saisir les ridicules d’une société dont ils avaient dénoncé les injustices avec tant de force, de hardiesse, et quelquefois de bon sens.

Toujours est-il que le gouvernement jugea les saint-simoniens trop dangereux pour les laisser jouir des derniers bénéfices de sa tolérance. Depuis quelques mois, on instruisait contre eux. Après les avoir long-temps tenus sous le coup d’un procès scandaleux, après avoir fait plus d’une fois briller les baïonnettes au milieu de leurs paisibles cérémonies, le gouvernement se décida enfin à les traîner devant les tribunaux. Le 27 août, le Père Enfantin et MM. Michel Chevalier, Barrault, Duveyrier, Olinde Rodrigues, furent appelés à comparaître devant la cour d’assises. On les accusait : 1° du délit prévu par l’article 291 du Code pénal, lequel interdit les réunions de plus de vingt personnes ; 2° du délit d’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs. Voulant donner à ce procès le plus d’éclat possible, Enfantin fit assigner comme témoins, non-