Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/40

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fléchi, que nous, législateurs, nous serions coupables ou de flatter ou de suivre. Qu’est-ce que le privilège ? une violation permanente du droit. Et le droit ? l’utilité publique reconnue et consacrée. Définir autrement le droit, ce serait en faire une vaine abstraction métaphysique, un mot vide de sens. Or, non-seulement il est utile que l’hérédité de la pairie soit maintenue, mais cela est nécessaire. Car ainsi le veulent les conditions vitales de toute société. Il y a dans le monde mille intérêts divers, ils peuvent tous se réduire à deux, qui sont : le mouvement et la durée. Si le premier règne sans contre-poids, la société se précipite ; si le second domine solitairement, la société languit et s’use par son existence même. De là la nécessité d’un pouvoir multiple. Aussi bien, chaque forme de gouvernement a des avantages qui lui sont inhérents et qu’il est bon de lui emprunter. Les monarchies se distinguent par l’énergie de la volonté, les aristocraties par l’esprit de suite, les démocraties par la grandeur des passions. Séparées, ces trois formes ne sont que des ébauches, dont chacune est destinée à périr par ce qui lui manque. Réunies et combinées, elles constituent un gouvernement à la fois sage et vigoureux, un gouvernement complet.

Telles étaient les raisons données de part et d’autre. Mais, adversaires et partisans de l’hérédité de la pairie, tous avaient également tort : les uns, parce qu’ils méconnaissaient une des conditions essentielles du régime constitutionnel ; les autres, parce qu’ils n’apercevaient pas le vice radical du régime constitutionnel lui-même.