Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cieuse théorie que les gouvernements ne doivent pas être chargés de la direction morale des esprits : les conséquences ne s’étaient pas fait attendre. Sous l’empire d’une loi athée et d’une morale abandonnée à tous les caprices de la controverse, chacun en était venu à n’accepter, de la légitimité de ses actes, d’autre juge que lui-même.

Tel était donc l’état de la société lorsque, pour la première fois depuis 1830, quelques jeunes gens, aveuglés par leur colère, se mirent à agiter de vagues projets d’attentat. Exaltée comme un acte de courage, la promenade triomphale de Louis-Philippe dans la journée du 6 juin ne leur avait paru, à eux, qu’une bravade. Ils se demandèrent s’ils n’immoleraient pas une grande victime aux mânes de ceux dont les dalles de la Morgue avaient reçu les cadavres. Bientôt le bruit courut que la route de Paris à Neuilly avait été éclairée en mainte occasion par des conjurés, dont le hasard des circonstances ou l’active surveillance exercée sur la route avaient seuls arrêté le bras.

Ce fut sous l’impression de ces rumeurs sinistres que le roi dut se préparer à ouvrir la session de 1833. Le 19 novembre, jour fixé pour la séance royale, tout l’espace compris entre les Tuileries et le Palais-Bourbon se couvrit de troupes. Deux voitures contenant, l’une la reine et ses filles, l’autre les ministres, se dirigèrent vers la Chambre. Suivait le cortège, qui s’avançait avec lenteur au milieu d’une double haie de gardes nationaux et de soldats. Le roi était à cheval, en tête de l’escorte. Il arrivait sur le Pont-Royal, lorsque soudain, à quel-