Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le soir, ils illuminèrent leurs maisons, et témoignèrent leur enthousiasme par des danses et des chants qui se prolongèrent bien avant dans la nuit.

Du reste, ils étaient si peu disposés à donner suite à ce premier succès, que leurs vingt-deux délégués offrirent leur démission. Mais M. Bouvier-Dumolard les engagea vivement à la retirer, soit que son dessein fût d’opposer au mauvais vouloir des fabricants une barrière permanente ; soit que, redoutant quelque prochaine catastrophe, il voulût se ménager dans la classe ouvrière elle-même des moyens d’influence.

Quoi qu’il en soit, l’agitation alors passa du camp des ouvriers à celui des maîtres. Il y avait parmi les fabricants des hommes honnêtes et éclairés. Ceux-là se réjouirent sincèrement du tarif : ils le regardaient comme un frein nécessaire mis à l’avidité de quelques grands spéculateurs et comme un moyen sûr de modérer les mouvements désastreux de la concurrence. Mais ce sentiment était celui du petit nombre, et la nouvelle de l’établissement d’un tarif ne fut pas plus tôt connue, que la colère de la plupart des fabricants se répandit en récriminations et en menaces. « C’est une tyrannie intolérable, s’écriaient-ils avec emportement ! On parle du consentement de nos délégués ? mais il a été arraché par la peur. De qui, d’ailleurs, tenaient- ils leurs pouvoirs, ces délégués ? d’une assemblée à laquelle beaucoup d’entre nous avaient refusé de se rendre. Qu’est-ce, après tout, que ce tarif sinon une atteinte audacieuse portée à la liberté des transactions ? Et où serait désormais notre