Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/125

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blicistes de la bourgeoisie, se répandirent contre le manifeste en malédictions et en injures. La Déclaration des Droits de l’Homme portait, article 6 : « La propriété est le droit qu’a chaque citoyen de jouir à son gré de la portion de bien qui lui est garantie par la loi. » Cette définition si juste[1] devint le sujet de commentaires empoisonnés. « Vous l’avouez donc enfin, s’écrièrent avec un effroi simulé les partisans de la monarchie, ce qu’il vous faut, c’est le partage des biens. Continuateurs de Robespierre, c’est la loi agraire que vous demandez ! »

Les mots de loi agraire, de partage de biens,

  1. Cette définition est d’une telle exactitude, qu’on ne conçoit pas qu’elle ait pu être attaquée, surtout par des légistes comme M. Dupin car :

    1° La loi civile pourrait ne pas admettre le droit successif, mais elle l’accepte ; en l’acceptant, elle le crée, et se réserve le droit de le modifier, en consultant les intérêts politiques et économiques de la société.

    Mais soit que la loi ordonne l’égalité absolue dans les partages entre les enfants ou les héritiers d’un citoyen, soit qu’elle autorise dans la succession un prélèvement quelconque appelé du nom de majorat ou de tout autre nom, et que le partage du reste de la succession soit soumis à la règle générale de l’égalité, toujours est-il que, dans une hérédité donnée, chacun reçoit une part, une portion de biens, portion que la loi lui garantit. Le droit de propriété de l’héritier qui vient d’appréhender sa part dans une succession, ne peut donc se traduire autrement que par ces mots Le droit de jouir de la portion de biens qui lui est garantie par la loi. Tout autre traduction ne serait pas exacte.

    La définition du droit de propriété, telle qu’elle est donnée par la déclaration de Robespierre, est donc seule conciliable avec les modifications que les lois de succession apportent à chaque propriété après la mort de chaque citoyen.

    2° Le droit naturel pur, tel qu’il est conçu à priori par ses professeurs, serait inconciliable avec tout état social. Aussi, les philosophes de cette école disent-ils que dans l’état de société, l’homme fait le sacrifice d’une portion de sa liberté, pour que l’autre portion lui soit garantie. Dès-lors la liberté sociale devrait être rationnellement définie ainsi : la portion de liberté garantie par loi.