Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/215

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à un pouce au-dessus de l’œil gauche, le malheureux Dulong tombe sans proférer une parole. Le soir, on dansa au château. A six heures du matin, le blessé était mort.

À cette nouvelle, la consternation règne dans toute une moitié de Paris : pour beaucoup, l’issue du duel de la veille a la gravité d’un malheur public. De sombres rumeurs se mêlent d’abord aux regrets par où se révèle le deuil des âmes. Bientôt un cri s’élève, cri puissant et accusateur : on a voulu la mort de l’infortuné Dulong, on l’a préparée, on a rendu la lutte inévitable, on a fait de tout cela une vengeance de château ! L’indignation s’accroît de chaque détail donné par les feuilles de l’Opposition. M. de Rumigny est dénoncé comme l’instrument d’un complot de camarilla. Là majesté royale elle-même est traînée devant le tribunal de l’opinion.

Une circonstance particulière servit ces attaques. Lorsque les témoins de la victime étaient allés réclamer l’original de la lettre restée aux mains du général de Rumigny, celui-ci avait répondu verbalement, puis attesté dans une déclaration écrite et signée, qu’il n’avait plus cette lettre ; qu’il avait promis à M. Dulong, sur le terrain, de l’anéantir après le combat ; et qu’il l’avait, en effet, brûlée en présence du roi. Il n’était pas vraisemblable qu’au lieu d’exiger la remise immédiate d’une lettre dont il allait si fatalement payer la restitution, M. Dulong eût laissé aux témoins de son adversaire le soin de la détruire. C’est ce qu’Armand Carrel fit très-bien ressortir dans un article qui