Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/220

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une lâcheté, le tromper est un crime. Que le gouvernement fût intervenu pour mettre fin à un tel désordre, il le devait. Mais lui qui s’était accoutumé à repousser le dénigrement par le dénigrement et le mensonge par le mensonge, lui qui jamais n’avait hésité à faire ou à laisser plaider sa cause devant les passants par les libellistes les plus abjects, de quel front livrait-il aux salariés des fonds secrets l’exclusive domination de la voie publique ? Car enfin, c’était créer le monopole de la calomnie ; c’était mettre au-dessus du pouvoir répressif de la magistrature le pouvoir préventif de la police, et, dans la grande question de l’ordre à défendre, abaisser le juge devant l’espion !

Des troubles étaient prévus : ils éclatèrent. L’exécution de la loi sur les crieurs publics était un véritable arrêt de mort prononcé contre certaines feuilles spécialement destinées au peuple ; et elles ne voulurent pas disparaître sans avoir au moins témoigné tout haut de leur colère et de leur courage. Le dimanche 25 février, une distribution générale de ces feuilles devant avoir lieu sur la place de la Bourse, une foule immense s’y était rassemblée, foule inoffensive, peu bruyante, composée presque entièrement de curieux, mais grossie à chaque minute par le flot des promeneurs. Tout-à-coup les grilles du palais de la Bourse s’ouvrent, et sur la place s’élancent, à la suite de quelques sergents de ville en uniforme, des agents de police portant pour la déshonorer la blouse du travailleur, et armés de gourdins. Animés d’une fureur imbécile et basse, ces misérables fondent en rugissant sur la