Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/226

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suffrages, il y a évidemment association. Lorsque des citoyens, pour créer un journal, pour le rédiger ou en surveiller la rédaction, mettent en commun leurs pensées, combinent leurs efforts, il y a évidemment association. Des électeurs de l’Opposition se réunissant pour élire un député, seraient-ils soumis au bon plaisir ministériel ? Plus de droit électoral. Le joug de l’autorisation préalable serait-il imposé à des écrivains se groupant autour d’un journal ? Plus de presse libre. Le projet du gouvernement, dans la généralité de ses termes, était donc d’une insolence inouïe. Il était, en outre, d’une application impossible. Au moins, sous l’empire de l’article 291, le corps du délit n était pas chose insaisissable : le fait matériel d’une réunion de plus de vingt personnes, la circonstance de la périodicité, la concentration des menaces de la loi sur un nombre déterminé de têtes, tout cela fournissait des éléments de poursuite. Mais ici quels seraient les matériaux de l’accusation ? Poursuivrait-on le délit sous cette infinie variété de formes qu’il lui est si facile d’affecter ? Le frapperait-on dans la personne d’un nombre illimité de coupables ? Le projet du gouvernement, brutal en théorie, était, au point de vue de la pratique, tout-à-fait puéril et insensé.

Dans un discours plein de mesure et de finesse, M. Thiers répondit que tout droit, dans une société civilisée, demandait à être réglé législativement ; que la nécessité de l’autorisation préalable pesant sur les sociétés anonymes, par exemple, et sur les sociétés de bienfaisance, il était étrange qu’on prétendit en affranchir les sociétés politiques, foyers