Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/239

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voyer sans dédommagement eût été une imprudence M. Barthe reçut la présidence de la Cour des Comptes qu’il fallut retirer à M. Barbé-Marbois, dont, aussi bien, l’austérité avait déplu dans la fameuse affaire Kesner ; et le duc de Gaëte dut céder à M. d’Argout les magnifiques fonctions de gouverneur de la Banque de France. Le ministère du commerce, que M. Thiers abandonnait, échut à M. Duchatel, un des plus habiles défenseurs du traité des 25 millions. Preuve manifeste qu’on se proposait de revenir à la pensée de ce traité onéreux, et que ce n’était pas à la souveraineté de la Chambre qu’on avait sacrifié M. de Broglie avec tant d’empressement !

Mais tandis que le pouvoir flottait au gré de ces intrigues, la nation bouillonnait au-dessous, et les intérêts qu’avait si directement menacés la loi contre les associations se préparaient de toutes parts à un vigoureux effort. Des réunions avaient lieu à Paris, tantôt chez le général Lafayette, tantôt chez un de ses amis les plus dévoués. La question du combat y fut posée. Que faire si, foulant aux pieds les principes les plus inviolables, le pouvoir en venait à porter la main sur la liberté, d’une manière agressive et violente ? Opposerait-on la force à la force ? « Comment hésiter ? disaient quelques-uns. Le gouvernement commence l’attaque. Il ira jusqu’au bout. Il osera tout contre nous si nous n’osons rien contre lui. Reculons, nous sommes perdus. » La plupart, et à leur tête M. Garnier-Pagès, objectaient l’énormité de l’entreprise, l’insuffisance des préparatifs, l’indocilité des courages à manier, le