Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/285

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presqu’aussi triste que celui du dehors. Dans les unes, le pain manquait ; dans d’autres, on tremblait pour les jours d’un père ou d’un époux absent, tué peut-être, et qu’on n’avait pas même le pouvoir d’aller chercher au milieu des victimes ; dans d’autres enfin, c’étaient des malades condamnés à gémir sans secours, ou bien des morts qui attendaient la sépulture.

La terreur était sans bornes, et, dans certains quartiers, la colère du soldat inexorable. Et même, ainsi qu’il arrive toujours, ceux-là combattaient l’insurrection avec le plus d’emportement qui, dans l’armée, avaient entretenu avec les insurgés des relations dangereuses.

Du côté de la place Sathonay, à l’entrée de la rue Saint-Marcel, une barricade avait été construite, et les soldats envoyés pour l’enlever paraissaient hésiter. Le colonel Mounier se jette en avant, tombe mort, et la barricade est franchie. Mais aussitôt la troupe monte dans des maisons qu’on vient de désigner à sa vengeance, et elle se répand de toutes parts, saisie d’une rage aveugle. Un honorable citoyen, M. Joseph Rémond, était assis paisiblement à son foyer : on le tue. Non loin de là, l’appartement de M. Baune est envahi. La veille, M. Baune s’était traîné malade par la ville ; puis, l’excès de la souffrance l’ayant ramené dans sa demeure, il y était resté enchaîné à son lit par une paralysie aiguë. Il avait auprès de lui sa femme et le plus jeune de ses enfants, quand les soldats parurent. Et, comme ils couraient l’égorger, lui, se redressant à demi et rassemblant ses forces, il