Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/342

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votée par la Chambre, des commentaires ayant pour résultat inévitable et prévu, d’offenser les ministres, de les piquer au jeu, de pousser leur orgueil à quelque éclat téméraire, et de jeter des nuages sur l’appui qu’ils devaient désormais attendre de la majorité. L’adresse avait parlé de la réconciliation des partis devenue désirable : n’était-ce pas crier aux ministres que leur politique avait été follement cruelle ? L’adresse avait recommandé à la Couronne le choix d’agents éclairés et fidèles : nul doute qu’il n’y eût là une allusion blessante ! L’adresse avait manifesté l’espoir que le budget serait ramené à de moins funestes proportions comment ne pas deviner la pensée de blâme cachée au fond de cette leçon d’économie ? Ces discours échauffent les esprits, enflamment les ambitions, et tout semble se préparer pour un changement.

Les ministres ne s’émurent pas. Dans l’enivrement où les avaient plongés leurs victoires récentes, ils souriaient des prétentions du tiers-parti et de sa turbulente faiblesse. Ils se persuadaient volontiers qu’une fois au pouvoir, le tiers-parti fléchirait sous un aussi lourd fardeau et ne tarderait pas à tomber au bruit de la risée publique. Telle était même à cet égard leur conviction, qu’ils résolurent d’abandonner momentanément leurs portefeuilles. « Qu’on prenne nos rivaux à l’essai, se disaient-ils ; la bourgeoisie, conviée au spectacle de leur impuissance, n’en sentira que mieux ce qu’ils valent, et combien est légitime notre droit à la conduire. D’ailleurs, l’opposition de ces hommes nous fatigue, elle nous harcelle de plus en plus ; elle finirait par nous créer