Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/375

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régime féodal. Et, à dater de cette époque, il n’y avait eu logiquement et régulièrement de possible que l’unité par le parlement, c’est-à-dire par la république.[1]

Pour peu qu’on y réfléchisse, on verra que, par essence et par intérêt, la bourgeoisie française aurait dû être républicaine. Il était tout simple, en effet, que, maîtresse absolue de l’ordre social par ses richesses, son activité intellectuelle et son industrie, elle cherchât à dominer souverainement, dans l’ordre politique, par des représentants tirés de son sein. Qu’elle eût concentré dans ses mains la puissance élective pour se préserver du débordement des passions populaires, c’était là certainement un calcul concevable, quoiqu’entaché d’égoïsme et

  1. En faisant l’homme, Dieu n’a pas entendu qu’il fût permis au bras de contrôler les décisions de la tête. La tête veut, le bras exécute. Comment conçoit-on que l’homme pût agir, si lorsque la tête veut une chose, le bras en voulait une autre ? Voilà pourtant le régime constitutionnel ! A moins que le roi n’y soit, selon l’expression de Bonaparte, un cochon à l’engrais, ce qu’un roi ne voudra jamais, s’il est intelligent, et ce qu’on ne voudra jamais pour lui, s’il est idiot. On cite toujours, à ce propos, l’exemple de l’Angleterre, et l’on ne prend pas garde qu’en Angleterre, la royauté peut vivre uniquement comme symbole, parce qu’en effet elle y exprime la puissance héréditaire de la classe dominante, parce qu’elle y est bien réellement le symbole de la transmission du pouvoir politique en vertu du droit de naissance. Mais où est l’aristocratie en France ? L’hérédité du pouvoir politique y a été si formellement condamnée, qu’on n’a pas même voulu d’une pairie héréditaire. Qu’on nous dise donc comment la royauté pourrait vivre uniquement comme symbole, dans un pays où ce qu’elle est appelée à exprimer n’existe plus ?

    Nous ne saurions trop insister sur un point de vue que nous avons émis au commencement du troisième volume de cet ouvrage, et que nous croyons nouveau. En Angleterre, malgré les apparences, il y a unité dans le pouvoir, et c’est ce qui fait sa force. En Angleterre, la chambre des communes, celle des lords et la royauté ne sont, au fond, que trois manifestations diverses d’une puissance unique, la puissance de l’aristocratie ; CE SONT TROis fonctions et non trois pouvoirs.