Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/402

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tuellement annulée. Jamais pareil élan ne s’était manifesté au sein de la société ; jamais anarchie pareille ne s’était produite au sein du pouvoir. En séance secrète, la Cour des pairs se raffermit dans sa résolution d’enlever aux accusés les défenseurs de leur choix ; mais elle décida qu’elle ne contraindrait personne à plaider d’office, n’osant entrer en lutte avec le corps des avocats. C’était l’excès de la violence combiné avec l’excès de la peur.

Et comment peindre, maintenant, l’effet que produisaient sur les esprits tant de surprenantes complications ? Le nom des accusés volait de bouche en bouche ; on s’intéressait à leurs périls ; on glorifiait leur constance ; on se demandait avec anxiété jusqu’où ils pousseraient l’audace des résolutions prises. Dans les salons même où leurs doctrines n’étaient pas admises, leur intrépidité touchait le cœur des femmes ; prisonniers, ils gouvernaient irrésistiblement l’opinion ; absents, ils vivaient dans toutes les pensées. Pourquoi s’en étonner ? Ils avaient pour eux, chez une nation généreuse, toutes les sortes de puissance : le courage, la défaite et le malheur. Époque orageuse et pourtant regrettable ! Comme le sang bouillonnait alors avec force dans nos veines comme nous nous sentions vivre ! comme elle était bien ce que Dieu l’a faite, cette nation française qui périra sans doute le jour où lui manqueront tout-à-fait les émotions élevées ! Les politiques à courte vue s’alarment de l’ardeur des sociétés : ils ont raison ; il faut être fort pour diriger la force. Et voilà pourquoi les hommes d’état médiocres s’attachent à énerver un peuple. Ils le