Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/430

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la lutte qu’elle soutient contre les factieux. » C’était poser la question avec netteté. Car il s’agissait désormais, pour le gouvernement, de se défendre, non pas au moyen de la loi, mais par la violation de la loi, et en écrasant ses ennemis sous une accumulation de mesures non moins arbitraires que brutales. Le Château en avait pris son parti. Entre M. Pagès (de l’Arriège), qui essaie de la ramener au sentiment de sa dignité, et M. Persil, qui l’excite à ne prendre conseil que de ses haines, la majorité n’hésite pas ; elle a écouté le premier dans un morne silence, elle applaudit le second avec transport. A son tour, M. Arago se lève. Et évoquant un souvenir funèbre :

« C’était en décembre 1815, dit-il. On instruisait alors un grand procès dans le même palais où l’on veut traîner M. Audry de Puyraveau. Le 6, cette date ne s’effacera jamais de ma mémoire, le droit de défense fut outrageusement violé… Dans la matinée du 7, je parcourais la liste des membres de la Cour des pairs. Je marquais avec la pointe d’un crayon tous ceux qui, d’après mes relations personnelles, me semblaient devoir prononcer un verdict d’acquittement. La majorité me paraissait immense ; elle se composait des frères d’armes du maréchal ; d’une foule d’hommes d’état vieillis dans l’expérience des affaires, et éprouvés par dix révolutions ; de savants, de littérateurs que d’immortels ouvrages avaient appelés aux premières dignités, de magistrats, d’hommes de cœur porteurs de noms illustres, et dont les excellentes qualités sociales ne pou-