Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/434

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de la prison et forts de leur fraternel courage, ils s’étaient présentés devant la pairie et lui avaient dit : « Cette lettre dont il vous plaît de tirer vengeance, nous en sommes tous les auteurs. Frappez encore, si vous l’osez ! » C’en était fait, selon toute apparence, et de la Chambre des pairs et de la monarchie. Car, au point où l’on en était déjà, il est clair que le procès ne pouvait s’agrandir sans confiner à la guerre civile et sans pousser la monarchie à se mettre hors la loi. Mais, parmi les défenseurs, il y en eut qui, à la seule idée du sort qui les menaçait, sentirent leur sang se glacer dans leurs veines. L’un pensait à sa fortune compromise et à son avenir engagé dans de terribles hasards, l’autre pâlissait pour ses enfants qu’il avait espéré revoir ou pour sa mère absente. Plusieurs réunions eurent lieu, et les timides se firent d’autant moins scrupule d’avouer leurs répugnances, que, n’ayant pas en effet signé, pour la plupart, ils couvraient d’un prétexte en apparence honorable la défaillance de leur patriotisme et la pusillanimité de leur cœur.

Quoi qu’il en soit, il suffisait que l’unanimité fût impossible, pour que la question devînt controversable. Aussi des hommes dont l’intrépidité et le dévoûment étaient au-dessus de tout soupçon, des hommes tels qu’Armand Carrel, soutinrent-ils que chacun devait, sans toutefois désavouer la lettre, déclarer qu’il ne l’avait ni signée ni publiée : puisqu’il y avait des dissidents, et des dissidents obstinés, pourquoi révéler au pouvoir les plaies intérieures du parti républicain ? Pourquoi souffrir que ce parti fut flétri, ne fut-ce que dans quelques-uns de ses