Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/445

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toire, non demain, non après demain… que nous importe ? Non pour nous ? que nous importe encore ? C’est l’espèce humaine qui nous occupe. Mais tout nous dit que le jour de la délivrance ne se fera pas long-temps attendre.

Il faudra voir à qui restera la victoire, et si en définitive le démenti sera donné à Dieu.

Messieurs les pairs, je ne me suis pas défendu. Vous êtes mes ennemis politiques, vous n’êtes pas mes juges. – Il faut que le juge et l’accusé se comprennent. Il faut que leurs âmes se rapprochent. Ici cela n’est pas possible. Nous ne sentons pas de même, nous ne parlons pas la même langue. Le pays, l’humanité, ses lois, ses besoins, le devoir, la religion, les sciences, les arts, l’industrie, rien de ce qui constitue une société ;… le ciel et la terre, rien ne nous apparaît avec les mêmes caractères. Il y a un monde entre nous.

Condamnez-moi, mais vous ne me jugerez pas, car vous ne pouvez me comprendre. »

Une agitation inexprimable succède à ce discours, si éloquent dans sa simplicité et si fier. Puis, M. Michel (de Bourges) s’avance. On connaissait déjà l’entraînement de sa parole, et tous attendaient au milieu d’un solennel silence. Il commença d’une voix brève et profonde. A demi courbé sur la balustrade qui lui servait d’appui, tantôt il la faisait trembler sous la pression convulsive de ses mains, tantôt, d’un mouvement impétueux, il en parcourait l’étendue, semblable à ce Caius Gracchus dont il fallait qu’un joueur de flûte modérât, lorsqu’il parlait, l’éloquence trop emportée. M. Michel (de Bourges), cependant,