Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/493

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étrangères : en fallait-il davantage pour préparer sa chute ? On essaya de tenter M. Thiers par l’appât de ce brillant héritage. Au lieu d’un ministère qui le rendait responsable de la vie du roi, qui le commettait avec des agents de police, qui le condamnait à lutter de ruse avec des conspirateurs infatigables, qui le plongeait dans un chaos de soucis dégradants, on lui montrait en perspective un ministère qui allait l’élever à des relations pleines d’éclat et lui assigner un rôle dans la grande partie qui se joue entre souverains. Quelle plus haute fortune pouvait être promise à son orgueil ! Et avec quel tressaillement ne devait-il pas ouvrir son esprit à l’idée de voir les plus fiers représentants de l’Europe aristocratique saluer en lui le moderne ascendant du mérite plébéien ! Une seule crainte aurait pu l’arrêter au seuil d’un monde pour lequel il ne semblait pas fait, et où, selon toute apparence, il allait manquer de contenance et d’ampleur. Mais, même sous ce rapport, on avait eu soin de lui aplanir les voies. « M. Thiers, avait dit M. de Talleyrand, n’est point parvenu, il est arrivé. » Et chacun de s’incliner devant cet oracle. De sorte que M. Thiers avait reçu du gentilhomme le plus renommé de son pays la convenance des salons.

Aussi bien, nul n’était plus que lui de la société de madame de Dino et de madame de Lieven, reines charmantes de la diplomatie, gouvernée despotiquement par leur éventail. Employa-t-on dès-lors les influences de salon pour détacher M. Thiers de l’alliance anglaise et l’attirer à l’alliance du continent ? Les amis de M. Guizot l’ont pensé, mais les faits subséquents prouvent, ou qu’il n’en fut rien,