Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/136

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des ouvertures qu’il ne s’était pas contenté de repousser et dont il donna communication à M. de Franqueville, son commandant, qui en référa au général Voirol. Celui-ci, qui n’avait pas envoyé au ministre la lettre de Louis Bonaparte, n’hésita plus à le faire, et le capitaine Raindre partit, avec cette lettre, pour Paris. Mais, soit qu’on ne vît aux tentatives dénoncées aucun caractère sérieux, soit qu’on ne fût pas fâché de laisser se développer jusqu’à un certain point un complot qu’on se croyait sûr d’étouffer sans peine, nul obstacle ne fut mis aux menées des conspirateurs, et le dénoûment devint inévitable.

L’ardeur des conjurés allait croissant ; et s’ils n’avaient pas été capables de puiser dans leur propre sein la résolution et l’audace, une femme était là qui leur en eût donné l’exemple. Fille d’un capitaine de la garde impériale et élevée dans le culte de Napoléon, Mme Gordon avait été initiée, à Lille, aux projets de Louis Bonaparte, à l’insu du prince lui-même et se jetant aussitôt dans la conspiration avec cette impétuosité qui caractérise le dévoûment des femmes, elle était accourue à Strasbourg. Cantatrice, elle parut à Bade, y donna des concerts et un jour Louis Bonaparte apprit, avec un étonnement mêlé d’abord d’inquiétude, qu’il n’y avait pas à se cacher de l’artiste dont il applaudissait le talent, et qu’elle savait tout. À dater de ce jour, Mme Gordon n’eut plus qu’une pensée, celle du succès et, comme elle avait beaucoup d’intelligence et de passion, elle ne tarda pas à acquérir une influence qu’elle mit tout entière au service du complot.