Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/174

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et muettes. Une seule créature vivante fut, à ce qu’il paraît, rencontrée dans les rues : c’était une vieille femme assise sur des lambeaux de nattes. On eût dit d’une ville habitée par des morts.

Et en effet, Abd-el-Kader venait de la quitter ne laissant après lui que dévastation et carnage. Pour avoir refusé de le suivre, les Juifs avaient vu leurs demeures pillées, et ceux qui avaient essayé quelque résistance gisaient inanimés parmi les débris.

Pour former un établissement à Mascara, il nous aurait fallu plus de forces que nous n’en avions on acheva de détruire ce qu’on ne pouvait garder, et l’armée se remit en route à la clarté d’un incendie. Fuyant Abd-el-Kader et leurs maisons réduites en poussière, les Juifs suivaient, éplorés, éperdus. Suivaient aussi les enfants et les femmes. Des scènes que la générosité vigilante du soldat ne parvint pas toujours à prévenir attristèrent cette marche. Plus d’un vieillard s’arrêta pour mourir, ne pouvant résister à la fatigue. Plus d’une mère, les pieds meurtris par les pierres ou les ronces, s’épuisa douloureusement à porter son fils et n’acheva point la route. On raconte qu’un petit enfant fut trouvé dans un silo et mis sous la protection du duc d’Orléans.

Ainsi, l’expédition n’avait eu d’autre résultat que d’effacer aux yeux des Arabes l’auréole de gloire dont Abd-el-Kader leur avait paru couronné. Mais lui, vaincu sans être dompté il s’était jeté du côté de Tlemsen, faisant appel aux sympathies des Hadards, maîtres de la ville, et menaçant