Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/193

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dre sur la terre, semblables à des épis couchés par le vent. Or, attirés sur la trace de leur proie, les Arabes suivaient avec une avidité hideuse la colonne harassée. Et, de loin en loin, des soldats s’en détachaient que la force venait d’abandonner. Ils se couchaient ceux-là, muets et résignés, se couvraient la tête, et attendaient l’ennemi qui la leur devait couper. Souvent des charges eurent lieu pour arracher à une mort certaine les malheureux qui, de lassitude, se laissaient tomber sur la route mais tous ne purent être sauvés !

Le 25 novembre, au déclin du jour, le nombre des traînards augmentant, et les officiers faisant remarquer que la nuit allait livrer à l’ennemi des victimes qu’on ne lui pourrait soustraire, le général de Rigny, qui commandait l’arrière-garde, envoya demander au maréchal Clauzel de ralentir sa marche et, comme il ne recevait pas de réponse, il s’avança lui-même jusqu’à la hauteur de l’ambulance, en prononçant des paroles où perçait imprudemment une inquiétude exagérée tort réel sans nul doute, mais qui fut envenimé outre-mesure et provoqua de la part du maréchal un ordre du jour d’une accablante sévérité[1].

Le 30 novembre (1836), l’armée avait couché à Dréhan, et le 1er décembre, elle rentrait à Bone.

Quatre cent quarante-trois hommes tués ou morts de froid et deux cent vingt-huit blessés, c’est à cela que se réduisait le chiffre des pertes éprou-

  1. La conduite du général de Rigny ayant été depuis examinée par un conseil de guerre, il fut acquitté. Il avait d’ailleurs déployé sous les murs de Constantine un brillant courage.