Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/242

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d’avoir raison d’un pouvoir qui osait méconnaître l’importance de leur appui. Aussi le Cabinet eut-il à essuyer tout d’abord, après les attaques de MM. Havin Salverte et Lacrosse, orateurs de la Gauche, l’implacable et hardi persifflage de M. Jaubert. M. de Sade vint ensuite, et enfin M. Guizot.

Quelque envenimées que fussent chez cet homme dédaigneux les blessures de l’orgueil offensé, sa démarche était plus affaissée que de coutume ; la tristesse de l’accablement tempérait le sombre éclat de ses yeux il portait sa tête avec une fierté contenue, et l’altération de son visage n’était pas celle qui trahit le secret-des tumultueuses pensées. H venait de perdre son fils. Mais les grandes douleurs exaltent une âme qui n’est point vulgaire, et, loin de l’abattre, la fortifient. Elevé un instant par la majesté de son deuil de père au-dessus de la tactique adoptée et des ruses misérables de l’ambition, M. Guizot trouva quelques accents d’une véritable éloquence. Il émut puissamment l’assemblée lorsque d’une voix presque éteinte il dit : « J’ai pris et quitté le pouvoir déjà plusieurs fois en ma vie, et je suis, pour mon compte, pour mon compte personnel, profondément indifférent à ces vicissitudes de la fortune politique. Je n’y mets d’intérêt que l’intérêt public, celui de la cause à laquelle j’appartiens et que je me fais honneur de soutenir. Vous pouvez m’en croire, Messieurs. Il a plû à Dieu de me faire connaître des joies et des douleurs qui laissent l’âme bien froide à tout autre plaisir et à tout autre mal… » Il s’étendit peu sur les causes de sa rupture avec M. Molé, dont il donna une expli-