Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/256

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du peuple français, saisi d’une sublime ivresse, et, dans l’indépendance de la patrie, courant défendre la liberté du monde puis une incomparable épopée, l’Empire puis la Restauration et ses pompes vaines puis la révolution de 1830 et ses prodiges. Aussi, combien de vieillards purent suivre de salle en salle leur propre histoire ! Combien, après s’être reconnus sous l’habit de soldat, dans les armées républicaines, purent se retrouver, en uniforme de général, haletant sur la trace enflammée de leur empereur, ou assistant aux fêtes de son couronnement, ou portant le deuil de ses adieux ! Ce fut donc une journée pleine d’émotions que celle où le musée de Versailles fut inauguré. Le roi, d’ailleurs, n’avait rien épargné pour la rendre éclatante et lui imprimer un caractère monarchique. Le banquet préparé pour les visiteurs servit d’occasion à l’étalage d’une magnificence dont ils se montrèrent aussi surpris que charmés. Il y eut ensuite, le long des galeries resplendissantes, une promenade aux flambeaux. À huit heures du soir, chacun avait pris place dans la salle de spectacle, et la représentation du Misanthrope commençait. Le spectacle fini, la toile du fond se leva, l’ancienne façade du château de Versailles apparut dans le lointain, et sur le piédestal de la statue équestre du roi on lut : « À la gloire de Louis XIV ! » Il avait pourtant révoqué l’édit de Nantes, ce Louis XIV ; et c’était devant une princesse luthérienne qu’on glorifiait sa mémoire !

Ainsi se termina une solennité dont la pensée mériterait d’être louée sans réserve, si des préoccupations personnelles et dynastiques ne s’y étaient