Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/282

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car M. Molé avait dissous la Chambre, et la lice électorale s’ouvrait.

Mais, pour que l’entreprise n’avortât point, il importait qu’elle fût conduite par des personnages d’une haute renommée et d’une modération qu’eût épargnée la calomnie, des personnages tels que M. Arago, par exemple.

Et quel puissant allié qu’un tel homme ! Sa stature imposante, son œil étincelant sous de grands sourcils mobiles, la constante altération de ses traits, son profil aquilin, le rayonnement de son front, tout exprimait en lui l’intelligence dans la force et je ne sais quelle propension violente au commandement.

Il avait été donné à cet homme illustre d’entrer en commerce avec la gloire, à un âge où, d’ordinaire, on ose à peine la rêver. À vingt-ans, M. Arago avait été choisi par le Bureau des Longitudes pour aller prolonger la méridienne de France jusqu’au midi de l’Espagne, et, dans l’accomplissement de cette mission, il avait enduré mille souffrances, affronté mille dangers. Il passa six mois sur un pic isolé des montagnes, attendant l’heure où une observation serait possible. Lors de la première entrée des Français dans la Péninsule, il fut, comme envoyé de Napoléon, plongé dans les prisons de Valence ; plus tard, conduit à Alger, il regagnait la France, lorsque, capturé en vue de Marseille par un corsaire espagnol, il fut ramené à Rose puis jeté sur un ponton à Palamos. Pendant sa dure captivité à Rose et à Palamos, il poussa le dévouement à la science jusqu’à refuser de se sauver, pour ne