Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/325

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suppression de l’amortissement. Il n’osa point la demander, cependant, convaincu peut-être que de-

    pas dû faire ! Combien de temps perdu pour la production ! Encore, si ce genre de perte était le seul Mais du chiffre porté au budget pour la dotation de l’amortissement, n’y a-t-il pas à défalquer la part des receveurs-généraux, et celle des receveurs particuliers, et celle des percepteurs, celle enfin de toute la nombreuse légion d’agents que le fisc entretient Ajoutez à ces frais de perception, qui ne s’élèvent pas à moins de 12 pour 0/0, les frais d’administration de la caisse : que de pertes d’argent tout-à-fait gratuites ! Que d’atteintes au principe de la production Que d’entraves à l’abaissement général de l’intérêt !

    Et notez bien que tous ces sacrifices n’empêchent point le contribuable de rester toujours sous le même fardeau, relativement au service des intérêts de la dette. Comment cette pompeuse théorie de l’intérêt composé se réaliserait-elle, je vous prie, si les rentes rachetées étaient annulées ? P Pour qu’elles le soient, il ne faut pas moins qu’une loi bien et dûment votée par les trois pouvoirs. En attendant, le contribuable paie toujours la même somme de rentes : tant pour les rentiers, tant pour la caisse d’amortissement, qui n’amortit rien.

    Il faut décidément en finir avec cette jonglerie financière. L’amortissement, sans doute, a exercé sur le crédit une action féconde, aussi long-temps qu’il a gardé le prestige de son origine et que ses ressorts ont joué dans l’ombre. Il a été, pourrions-nous l’avoir oublié ? le levier terrible avec lequel les puissantes mains du second Pitt ont remué le monde.

    Mais aujourd’hui cette institution a cessé d’être, puisque la confiance ignorante qui faisait sa force est détruite. Il est des institutions qui meurent nécessairement le jour où quelqu’un s’avise de demander pourquoi elles vivent. L’amortissement est mort en Angleterre après y avoir été éventré, suivant une énergique parole. Pourquoi ne mourrait-il pas en France ? Déjà ses plus intrépides partisans commencent à l’abandonner comme instrument financier, et ne le défendent plus que comme instrument politique. Mais l’amortissement n’a eu quelque puissance en politique qu’autant qu’on a pu lui croire quelque utilité en finances. Qu’une guerre éclate, que le pays soit envahi, s’imagine-t-on de bonne foi que l’amortissement faciliterait un emprunt ? Non, mille fois non, quoi qu’en pense M. d’Argout, quand il appelle l’amortissement la vieille garde de nos fincances. Car si l’État s’avisait d’offrir aux préteurs nouveaux, à titre d’intérêts, les arrérages appartenant à la caisse, que deviendrait la garantie de remboursement pour les prêteurs anciens ? Changer la destination de pareils fonds, la changer brutalement, la changer sous le coup d’une nécessité impérieuse, au sein du danger, ce serait ébranler le pays jusqu’en ses fondements. Au lieu de parer à la crise, on ne ferait qu’en redoubler la violence.