Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/335

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Mais un bien autre scandale allait être donné, et les meneurs de la bourgeoisie étaient à la veille de fournir une preuve plus frappante encore de leur impuissance à régler avec équité, avec sagesse, les intérêts matériels de la France.

Ici, nous demandons la permission de nous arrêter un instant. On apprécierait mal le caractère des travaux législatifs que nous passons en revue, si l’on ne savait pas quel était alors l’état moral de la société.

On se rappelle à quel degré de frénésie s’était emporté l’agiotage sous la régence de Philippe, duc d’Orléans. Un jour, tout Paris s’était mis à jouer, et ce qu’on raconte de l’extravagance publique à cette époque est à peine croyable. Dans la rue Quincampoix, le dos d’un bossu servait de pupitre aux agioteurs, et pour les disperser, la nuit venue, on était obligé de sonner la cloche. Des fortunes subites, prodigieuses, s’élevèrent sur la fraude. Les Mémoires du temps citent tel laquais auquel il arriva de monter, par habitude, derrière son propre carrosse. Des princes, des gentilshommes, des ministres, des amis du Régent, furent vus faisant assaut de cupidité avec des valets, avec des filles de joie ; et Chemillé put dire au duc de Bourbon, petit-fils du grand Condé, qui lui montrait son portefeuille plein d’actions : « Toutes ces actions n’en valent pas deux de votre aïeul. »

Eh bien, trois ou quatre ans ne s’étaient pas écoulés depuis la révolution de 1830, qu’un mouvement semblable à celui qui déshonora la régence de Philippe éclatait au sein de la société française.