Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/337

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qui n’en étaient pas. Nombre d’aventuriers sans pudeur se firent payer par la crédulité des actionnaires, des apports chimériques ou honteusement exagérés. La France fut inondée d’impostures. Alors les tribunaux retentirent de plaintes ; mais on eût dit que le châtiment même ne servait qu’à répandre la contagion du mal. Déjà le théâtre s’était emparé de ces mœurs, et, dans une facétie célèbre intitulée Robert Macaire, la main d’un inconnu avait sculpté le type des charlatans en vogue ; mais cette pièce, qui tournait, d’ailleurs, ou semblait tourner en ridicule les plus nobles sentiments : la tendresse paternelle, la piété filiale, l’amitié l’amour… on dut l’interdire à cause de l’immensité de son succès. Dans le miroir qu’on leur présentait, les coupables s’étaient reconnus sans se faire horreur, et la flétrissure même leur avait été un encouragement.

Voilà ce qu’était en France la classe des gros capitalistes, quand la question des chemins de fer vint promettre à l’industrialisme un aliment nouveau.

Dans la séance du 15 février (1838), le gouvernement avait soumis aux délibérations de la Chambre un projet relatif à l’établissement d’un vaste réseau de chemins de fer. Ce réseau se serait composé de neuf lignes principales, dont sept auraient lié Paris : à la frontière de Belgique, au Havre, à Nantes, à la frontière d’Espagne par Rayonne, à Toulouse par la région centrale du pays, à Marseille par Lyon, à Strasbourg par Nancy. Les deux autres grandes lignes auraient joint Marseille : à Bordeaux par Toulouse, à Bâle par Lyon et Besançon. Le développement total eût été de onze cents lieues, et