Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/381

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pressant. Alors se produisit un incident curieux, inattendu. M. Odilon Barrot s’effraya presque de l’effervescence de ses nouveaux amis, et le rôle de modérateur lui plut. Il s’essaya donc gravement à calmer la tempête couvrant à demi de sa protection le ministère trop impétueusement assailli. Il demandait qu’on épargnât davantage les personnes, qu’on s’occupât des principes. Recommandation fort inutile ! Les esprits étaient en ébullition. La haine débordait.

Jusqu’alors, M. de Lamartine s’était abstenu ; mais on n’ignorait pas de quel côté il voulait peser : son choix était déjà fait. Le parti ministériel ayant peu d’orateurs, avait eu soin d’entourer d’avance M. de Lamartine ; et lui, soit dédain pour ce que la coalition cachait d’intrigues, soit désir de se mesurer avec les princes de la parole, soit générosité, puisque le ministère chancelait, il avait promis son appui. Il monta donc à la tribune, élevé et comme porté par l’enthousiasme du Centre, qui mettait en lui son espoir. Toutefois, il appuya les ministres par son patronage plutôt que par son approbation. Qu’une Opposition sérieuse se levât, qu’elle prît le progrès social pour devise, qu’elle eût de vrais principes, un programme sincère… il était prêt à y entrer. Mais que lui importait une ligue formée par de vulgaires ambitions ? Il ne pensait pas d’ailleurs que la prérogative parlementaire, comme on l’avait tant repété, courût risque de périr. « Que peut contre vous la royauté, s’écriait-il ? Un coup d’État, c’est-à-dire un crime. Et vous savez s’il reste plus de trois jours impuni ! »