Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/408

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royale parut dans une attitude sévère et sombre. Seul, le roi les reçut avec un visage souriant. Ils traversèrent en silence les salons qui séparent de l’appartement de la reine le théâtre où devait se passer l’entrevue, et chacun prit place M. Dupin poussant jusqu’à la hardiesse l’assurance de son maintien, M. Humann conservant l’air de bonhomie mêlée de ruse qui le distinguait, le maréchal taciturne et la tête penchée sur l’épaule, M. Thiers enfin dans un état d’agitation qui lui permettait à peine de se tenir assis. La discussion s’étant ouverte sur les personnes, le roi témoigna peu de goût pour M. Dufaure, ne l’ayant jamais vu et lui croyant un caractère très-rude. En entendant prononcer le nom de M. Passy, il se souvint de ces mots qu’un jour M. Passy avait laissé échapper sur les marches de la tribune : « Le mal est plus haut que les ministres », et il s’écria : « M. Passy mais c’est mon ennemi personnel. » Il dit aussi de M. Villemain : « C’est un ennemi de ma maison », faisant allusion par là au peu d’empressement qu’avait mis M. Villemain, en 1830, à saluer la fortune de la dynastie d’Orléans. Quelque vives que fussent des répugnances exprimées en de pareils termes, M. Thiers s’empressa de les combattre et le fit avec succès. Sur la question de choses, l’opposition du roi se traduisit par une grande abondance de paroles, auxquelles, contre son habitude, M. Thiers ne résista que par un froid laconisme ou des redites obstinées.

Il y avait lieu de croire, d’après le résultat de cette première démarche, que le ministère proposé n’était point agréé par la Cour. Aussi M. Thiers