Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/410

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secrets sentiments l’autorité de sa parole. La discussion paraissait épuisée, quand M. Thiers, bien décidé à pousser les éclaircissements jusqu’au bout, parla de la nécessité de donner à M. Odilon Barrot la présidence de la Chambre. Rien ne convenait moins au roi : il eût accepté volontiers M. Barrot pour ministre, dans l’espoir d’agir sur lui ; mais le drapeau de la Gauche planté victorieusement dans la Chambre l’épouvantait. Il n’eut pas, néanmoins, à s’en expliquer de façon à encourir le reproche d’avoir amené une rupture ; car, au seul nom de M. Barrot, M. Humann se hâta de protester, affirmant que, pour son compte, il ne pourrait, sans rompre avec ses meilleurs amis, donner les mains à la présidence parlementaire du chef de la Gauche. C’en était trop. « Tachez, Messieurs, de vous mettre d’accord entre vous », dit le roi avec une intention légèrement ironique, et en levant la séance. Alors, appuyant ses mains avec violence sur la table, M. Thiers s’écria d’un ton amer et presque insultant : « Je vous avais bien dit, Sire, que ces Messieurs valaient mieux que moi. — Eh ! je le vois bien », répondit Louis-Philippe.

Au sortir du Château, on se rendit chez le maréchal Soult ; mais M. Humann déclara qu’il se retirait ; et, d’ailleurs, des sentiments trop remplis d’aigreur venaient d’être éveillés pour que l’accord ne fût pas devenu impossible.

Il en naquit mille rumeurs contradictoires. MM. Humann, Passy, Dufaure, se persuadèrent aisément que M. Thiers, en soulevant les difficultés d’un long commentaire, avait eu pour unique but