Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/417

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en vain ; les heures s’écoulent ; les voitures restent immobiles ; on s’épuise en conjectures. Les uns se plaisent à attribuer le retard à des causes peu importantes ; les autres devinent le scandale d’un sixième avortement, et parlent d’une main cachée qui paralyse les efforts les plus sincères. Soudain, ces mots tombent dans la foule : « Tout est rompu. » En effet, M. Dupin, qui, la veille, s’était rendu au Château, venait de déclarer à ses collègues d’un jour qu’il n’y avait de ministère sérieux qu’avec une présidence réelle que la présidence d’ordre qu’on lui avait offerte ne pouvait lui convenir ; que, pour ne pas s’aliéner tout-à-fait le Centre, on aurait dû s’associer M. Cunin-Gridaine, dont il avait été question d’abord, mais que le refus de celui-ci changeait la situation ; que le roi avait temoigné de la froideur pour un Cabinet formé en dehors de ses préférences et que cette froideur rendrait la position bien difficile devant une majorité dont la force n’était pas douteuse et dont il fallait craindre l’hostilité. Ainsi l’on retombait dans le chaos. La fermentation redoubla dans Paris ; appelé à la tribune pour y rendre compte de sa conduite, M. Dupin manqua à sa propre défense, se réfugia dans des excuses vaines, et s’attira de la part de M. Dufaure une réplique foudroyante. Mais contre tant d’anarchie quel remède ? À de pareilles complications quelle issue ?

Nul ne peut dire ce qui serait sorti d’un semblable désordre s’il n’en était pas sorti une insurrection qui, vaincue, rallia par l’imminence du péril, les chefs de la bourgeoisie divisés.