Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/42

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pour la paix et de cet illustre entêtement auquel l’Europe monarchique devait son repos. Quelque manifeste que fût le piège, Louis-Philippe ne sut pas s’en garantir. Il ouvrit une oreille complaisante à des flatteries d’autant plus douces pour lui qu’elles venaient de loin et semblaient lui être apportées par le souffle de la renommée. Il s’enivra de l’espoir de prendre rang parmi tant de rois qui jusqu’alors avaient affecté de ne voir dans les princes de la maison d’Orléans que des artisans de troubles, des ambitieux descendus jusqu’au carrefour, des protégés de la populace. Il se crut du génie, enfin, sur la foi de ceux qui avaient besoin de l’attirer à leur politique : résultat digne de remarque, le roi se piquant de posséder au plus haut degré la connaissance des hommes, et supposant volontiers dans les actions humaines l’artifice et le calcul.

M. Thiers, lui aussi, fut pris au piège des cajoleries. À peine ministre des affaires étrangères, il s’était vu recherché par de grands personnages, dont les familières caresses gonflaient sa fierté plébéienne. L’aristocratie européenne se plaçait presque sous sa protection, le voulant pour jouet. Ainsi avait-elle agi à l’égard de M. de Talleyrand, réputation factice qui fut un de nos malheurs. On entourait donc M. Thiers, on l’encourageait quelle gloire si, par lui, ministre encore si jeune, le repos de l’Europe était assuré ! Et quel rôle original, éclatant, que celui d’un homme sorti des tempêtés et se servant de son élévation même pour les calmer ! L’âge mûr s’immortalisait quelquefois par l’audace ;