Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/441

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l’ivresse de Mahmoud. Pertew lut gravement, après l’avoir porté respectueusement à ses lèvres et à son front, le firman qui l’assassinait. Puis, avec la sérénité du fatalisme musulman, il s’abandonna en invoquant son Dieu. Et le sultan de gémir de cette mort qu’il avait ordonnée. Mais que d’autres sujets de trouble ! que de présages sinistres ! Un jour, comme il passait à cheval sur le nouveau pont de Galata, un derviche réputé saint parmi le peuple et appelé le cheick aux longs cheveux, s’élança au-devant de lui, et criant : « Arrête, Sultan-Giaour », lui reprocha ses sacrilèges. Au mois de janvier 1839, le feu prit au bâtiment connu sous le nom de la Porte ; et les vieux Turcs ayant signalé le courroux du ciel dans cet accident qui livrait à la destruction le siège des délibérations du Divan, Mahmoud ne put se défendre d’une secrète terreur ; d’autant que, comme punition de son impiété, son portrait avait péri dans les flammes. Ainsi troublé et déchiré, le sultan en était venu à vivre dans un état de surexcitation effroyable. Après s’être épuisé tout le jour, tantôt par une activité de corps effrénée, tantôt par un travail de tête prodigieux, excessif, il poursuivait, le soir, son lent suicide dans des orgies sans nom. Impatient d’endormir les inquiétudes qui lui rongeaient le cœur et avide d’oubli, il se gorgeait de vin d’eau-de-vie et de rhum, jouissant de sa révolte contre la loi de Mahomet, exagérant même l’ivresse, et luttant avec frénésie contre le breuvage terrible, jusqu’à ce que des esclaves vinssent ramasser, ivre mort, ce réformateur de l’Orient.