Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/454

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Au projet qu’on venait de lui soumettre, le Cabinet français en substituait un qui consistait à demander à la Porte l’admission des flottes dans la mer de Marmara en cas d’invasion russe. L’Angleterre accepta la contre-proposition, mais avec aigreur. Elle s’effraya d’avoir de tels alliés, elle eut des ombrages, et il en résulta dans sa politique un revirement soudain qui, plus tard, fit scandale.

Pendant qu’en Europe la diplomatie préparait de loin ses embûches, le canon s’allumait sur l’Euphrate. De Constantinople et d’Alexandrie venait de partir presque en même temps le signal redouté.

Et néanmoins le sultan se mourait. Atteindrait-il la fin de cette guerre ? À l’aspect de sa face cadavérique, de son corps animé d’un mouvement convulsif, de ses genoux fléchissants, de ses yeux pleins d’une flamme terne, il était permis d’en douter[1]. Atteint d’une maladie à laquelle les médecins donnent le nom terrible de delirium tremens, la mort déjà le possédait. Mais lui, d’un effort désespéré qui le ranimait à la fois et le consumait, il avait embrassé dans un reste de vie l’espoir de tenir, ne fût-ce que pour un moment, son rival sous ses pieds. En juin (1839), il éclata par un manifeste, cri suprême de sa colère aux abois. Il reprochait à Méhémet-Ali l’insolence et l’impiété de sa révolte, ses expéditions au golfe Persique, le passage de Suez

  1. Dans leur éloquent et curieux ouvrage intitulé deux années de l’Histoire de l’Orient, MM. de Cadalvène et Barrault ont donné sur la maladie de Mahmoud des détails du plus vif intérêt et présentés avec beaucoup de talent. Nous y renvoyons ceux de nos lecteurs qui voudraient connaitre des circonstances dans lesquelles ne nous permettait pas d’entrer le cadre de cet ouvrage.