Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/460

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tantinople pour le sultan à l’agonie. Le 14 juin, il avait été transporté au kiosque de Tchamlidjà, d’où il ne devait sortir que dans un cercueil. Doué d’une vigueur herculéenne et d’un tempérament de fer, il succombait enfin à la fureur de l’ivresse, à de frénétiques essais de plaisir, et aussi à la fatigue de sa haine trop long-temps comprimée. Ses dernières journées furent, plus qu’on ne peut dire, amères et sombres. Quand il ne gardait pas le silence de l’anéantissement, c’était pour répandre le tumulte de ses pensées en paroles confuses. Ou bien, revenant à lui, il niait son mal, il se donnait des airs de prince impérissable, il faisait le maître pitoyable comédie jouée, entre deux évanouissements, par un despote qui semblait trouver mauvais que même la mort lui manquât de respect. Le 28 juin, les médecins l’avaient jugé perdu : le 1er juillet (1839), il expira, non sans avoir prononcé à diverses reprises un nom fatal, celui de Méhémet-Ali.

La fin du sultan, rapprochée des convulsions de son empire, avait je ne sais quelle signification austère et profonde. Ce fut avec une sorte de religieuse inquiétude que les habitants de Constantinople regardèrent passer, enveloppé de ses châles funèbres, leur terrible maître, abattu pour jamais.

Mahmoud n’était certes pas une nature vulgaire. Il avait l’instinct des grandes choses, il en avait le courage mais pour en accomplir de telles, il lui manqua la sérénité et le bon sens du génie. Pour tout ce qui exigeait des prodiges de volonté ou d’audace, il fut suffisant. Et c’est ainsi qu’il se signala par le massacre des janissaires, auquel il n’y a de