Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/513

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tage de la mer ? Elle eût été perdue. L’alliance anglaise nous condamne donc à n’être qu’une nation continentale ; et, pour peu que nous y consentions, la concurrence va nous étouffer.

Voilà de quelles causes générales est sortie la situation présente. Dure aux uns, incertaine pour les autres, elle est pleine à la fois d’illusions et de périls. À qui n’a pas su l’approfondir elle peut paraître rassurante ; et cependant la mort y germe sous le déshonneur. Ce silence est fatal, ce repos est sinistre. Notre calme est celui de l’épuisement. Mais, ainsi qu’il arrive dans les empires qui penchent, nous en sommes venus à prendre pour des gages de durée, pour des promesses de bonheur, l’énervement des âmes et l’abaissement des caractères. Dix ans de paix nous ont plus brisés que n’eût fait un demi-siècle de guerres et nous ne nous en apercevons seulement pas !

Dieu nous garde, pourtant, de désespérer de notre pays ! Il est des sociétés raides en quelque sorte, inflexibles, et que volontiers l’on comparerait à ces lourds cavaliers du moyen-âge bardés de fer : difficilement on les atteignait au travers de leur épaisse armure, mais, une fois par terre, ils ne pouvaient plus se relever. Autre est la France, société douée, dans sa force, d’une souplesse merveilleuse et qui semble éternellement jeune. À quelles fatigues sans exemple et sans nom n’a-t-elle pas résisté ? De 1789 à 1815, elle a eu des colères et enduré des souffrances et accompli des travaux à éreinter la nation la plus vigoureuse. Elle n’en est pas morte, néanmoins ; et en 1830, après quinze ans