Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/525

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des mesures de précaution et de sûreté que les relations de bon voisinage, autant que leur propre intérêt, auraient dû peut-être leur suggérer et les porter à prendre d’eux-mêmes.

La France n’était point engagée directement dans le débat ; mais, fidèle à ses anciens sentiments, elle saisit cette occasion pour témoigner combien elle avait à cœur les intérêts, l’indépendance et la dignité de la Confédération pour faire preuve d’une affection que le temps a cimentée entre deux peuples voisins, entre deux États également intéressés en Europe au maintien des droits de tous, le gouvernement du roi s’interposa entre la Suisse et les Puissances réclamantes ; il conseilla de toute part la modération ; il s’attacha à obtenir que ni l’irritation ni la force ne vinssent compliquer une question délicate. Des mesures destinées à rassurer l’Europe furent consenties ou plutôt délibérées par la Suisse dans l’intérêt même de son repos. La Diète fit de sages promesses ; la France les prit en quelque sorte sous sa garantie, et c’est ainsi qu’elle épargna à la Suisse, par une intervention bienveillante, ou les risques d’un conflit, ou les inconvénients d’une concession dont sa dignité aurait pu souffrir ; il lui importait, en effet, non-seulement que l’indépendance helvétique fût essentiellement respectée, mais encore qu’elle fût ménagée jusque dans ses moindres formes. Elle avait à cœur (et ses sentiments n’ont point changé ) de faciliter à un pays ami le maintien de cette politique digne et modérée qui jusque-là avait dirigé ses conseils. C’est ainsi que, depuis six années, la France a appuyé de son influence cette sagesse et cette modération qu’essayaient de faire prévaloir en Suisse des hommes aussi amis de l’indépendance de leur pays qu’ennemis de l’anarchie et des factions.

Cependant les promesses avaient été imparfaitement tenues le but n’était point atteint ; les plaintes des Puissances voisines s’étaient renouvelées, et lorsque, le 22 juin 1836, le Directoire, reconnaissant enfin l’insuffisance des mesures prises jusqu’à ce moment, invita les cantons à en adopter de plus efficaces, et dénonça à la France les coupables menées de quelques-uns des étrangers dont le territoire helvétique était devenu t’asite, le gouvernement du roi applaudit à de si sages résolutions, et, pour en faciliter l’accomplissement, il permit aux réfugiés dont t’expulsion était demandée, d’emprunter le territoire français pour se rendre à leur nouvelle destination. Ainsi provoqué par la Suisse même, qui, avouant l’existence des complots dénoncés, reconnaissait et les devoirs et les droits que l’intérêt de leur propre conservation donnait aux Puissances voisines, il crut répondre aux intentions mêmes de ce pays, et seconder ses sages dispositions, en posant le vrai principe du droit d’asile, tout en assignant à ce droit les limites dont la conduite même de la Suisse était une reconnaissance si formelle.

Le monde sait comment la note où le Cabinet français exprimait ses idées, conformes d’ailleurs aux vues et aux mesures dont le Directoire avait pris l’initiative, fut accueillie par la Diète, et commentée par une opinion qui commençait à tout envahir dans quelques cantons, et dont la domination récente semble avoir déplacé le pouvoir domination funeste