Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/527

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acte de basse vengeance contre le représentant d’un grand État, conçu et accompli par quelques révolutionnaires, a été pour ainsi dire adopté par l’autorité légale comme une représaille de gouvernement à gouvernement.

On arrache, ou on feint d’arracher à un aventurier, le poignard sur la gorge, de prétendus aveux. Ceux-là même qui l’ont pris pour instrument renouvellent entre eux une sorte de tribunal vehmique ; il est livré par cette justice occulte à la justice publique, qui se reconnaît régulièrement saisie, et accepte toute cette série de crimes secrets, comme un commencement d’instruction. Une enquête est ordonnée, non contre les anitiés d’une association redoutable, mais sur les faits qu’ils créent et qu’ils dénonçent. Le Directoire défère cette enquête sans exemple à la Diète une commission est nommée, et la Diète sanctionne par son vote les conclusions d’un rapport où les principes du droit des gens sont outrageusement méconnus ; ainsi les étrangers font la police, les conspirateurs provoquent des arrêts, saisissent les autorités ! — Certes, la France peut le dire, le jour où de tels actes s’accomplissent, c’est bien moins le respect du nom français que le sentiment de l’indépendance helvétique qui est anéanti dans les cantons qui n’ont pas craint de s’associer à de pareilles machinations.

Si de tels procédés ne sont promptement désavoués, la France se demandera si le droit des gens subsiste encore entre deux États limitrophes, entre deux Puissances alliées, entre deux pays libres, qui ont en commun tant de principes d’affection et de souvenirs ?

Tout en laissant à la Suisse le temps de se soustraire à de funestes et criminelles influences, et de revenir à ce système de modération et de justice dont ces gouvernements n’auraient jamais dû s’écarter, la France se doit à elle-même de témoigner d’une manière éclatante qu’elle ressent l’injure, et qu’elle en attend la prompte satisfaction. Jusqu’à ce que cette satisfaction soit donnée, le soussigné reçoit l’ordre de son gouvernement de cesser tout rapport avec la Suisse, et d’attendre dans cette attitude qu’une politique plus sage ait repris l’empire dans ses conseils.

C’est de la Suisse égarée et asservie à la Suisse éclairée et libre que la France en appelle, et c’est de cette dernière qu’elle attend une prompte satisfaction. Elle croit fermement que la Suisse ne tardera pas à retrouver dans ses souvenirs, dans ses intérêts bien compris, dans ses sentiments véritables, des inspirations qui la préserveront des périls auxquels l’expose use poignée de conspirateurs étrangers. Si par malheur il en devait être autrement, forte de la justice de sa cause, elle n’écoutera plus que sa dignité offensée, et jugera seule alors des mesures qu’elle doit prendre pour obtenir une juste satisfaction. Enfin, elle saura, et sans compromettre la paix du monde, montrer qu’elle ne laissera jamais un outrage impuni.

Le soussigné saisit cette occasion pour offrir à LL. EE. MM. les avoyer et Conseil exécutif de la république de Berne, Directoire fédéral les assurances de sa haute considération.

Berne, le 27 septembre 1836.

Signé Duc de Montebello.