Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/65

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grâce, M. Charles Ledru prit sur lui-même de présenter au roi un placet ainsi conçu :

« Sire, Alibaud, décidé à mourir, m’a légué le soin de consoler son vieux père. Je viens, pour remplir cette mission sainte, vous supplier de jeter un regard de clémence sur un condamné dont l’inébranlable résolution rendra plus éclatante encore la grâce que votre majesté laissera tomber du haut de son trône. Il était impossible, sire, de vaincre l’obstination d’un homme trop dédaigneux de la vie pour vouloir la prolonger d’un seul jour ; mais il m’a semblé que, s’il est du devoir de tout citoyen de pardonner son ennemi, il est digne du premier citoyen de l’État de pardonner à son assassin. »

Le placet fut rejeté.

À cette nouvelle, M. Charles Ledru courut, accompagné de M. Gervais de Caen, chez M. Sauzet, garde-des-sceaux, entre les mains duquel il voulait déposer un pourvoi en cassation, car c’était un jour de dimanche, et les greffes étaient fermés. M. Sauzet répondit qu’on ne se pourvoyait pas en cassation contre un arrêt de la cour des pairs ; que ce serait une inconvenance.

Alibaud passa la journée du dimanche, tantôt plongé dans une grave contemplation, tantôt chantant des airs de son enfance et de son pays. Il devait être exécuté le lendemain. Le lendemain donc, à la pointe du jour, le respectable abbé Grivel entra dans la prison. Le condamné était profondément endormi. Une lampe brûlait à deux pas de lui, éclairant son visage, où régnait une grande sérénité. Le