Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/66

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confesseur éveilla son pénitent, et ils échangèrent, sous l’oeil de Dieu, quelques paroles suprêmes. Alibaud écoutait le prêtre avec respect ; mais la terrible pensée qui était, pour ainsi dire, entrée dans son sang, il devait la garder jusque la fin. Avant qu’on l’appelât pour la toilette fatale, l’abbé Grivel lui demanda s’il ne désirait pas goûter du vin de son pays. Un verre fut apporté, dans lequel Alibaud trempa ses lèvres. Mais aussitôt sa figure se décomposa, ses yeux se remplirent de colère et de terreur. L’abbé Grivel devine les appréhensions d’Alibaud ; il prend le verre avec vivacité, le vide et rassure ainsi le condamné. L’eau, que la prudence des gardiens avait mêlée au breuvage offert, avait fait craindre à Alibaud qu’on n’eût voulu, au moyen d’un narcotique, assoupir son énergie pour calomnier son courage. À quatre heures du matin, l’exécuteur étant arrivé à la prison, on fit descendre Alibaud dans la petite pièce de l’avant-greffe. Son visage était pâle et fier. Lorsque l’exécuteur lui toucha le col, ayant éprouvé un rapide frisson, il se mit à sourire. On jeta sur lui le peignoir blanc et le voile noir des parricides costume lugubre qu’on avait épargné à Fieschi. Tous ensuite se mirent en marche.

L’échafaud, que l’on vante comme imprimant la terreur par l’exemple, l’échafaud, qui, d’après la loi, doit être dressé devant le peuple assemblé, avait été comme caché sur la place Saint-Jacques, loin du centre de Paris, à une heure où tout n’est, dans les rues, que solitude et obscurité. Autour du lieu de l’exécution se pressaient, sur un triple rang, des milliers de soldats.