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les dernières colonnes de l’église

veilleux discernement prophétique insoupçonné de lui-même, il nous proposait comme un des derniers boulevards de la Foi le si digne prêtre qui a nom Victor Charbonnel. Le lendemain de l’incendie du Bazar de Charité, ce généreux gaga, transporté d’indignation, écumant, fumant de rage et ne pardonnant pas à Dieu d’avoir consenti à l’immolation d’un aussi grand nombre de personnes riches, sut parler comme il convenait, lui reprochant, je crois, d’être un Dieu « rouge de sang » ou quelque chose de semblable[1].

Plus tard, lorsqu’il avait dû vendre la Fraisière où « un peu de son âme resté dans les fleurs qu’il avait aimées[2] » allait être acquis — à vil prix, sans doute — par quelque inconnu ; avec

  1. « On chercherait en vain un blasphème dans mes écrits. » La Bonne Souffrance, p. 7. Il a raison. Quand les pauvres souffrent, on ne doit parler que de résignation. Dieu reste un Père infiniment adorable. Mais lorsque les riches écopent, Dieu est un bourreau et il faut lui dire son fait. Il n’y a pas là le moindre blasphème.
  2. « L’acheteur aura peut-être cette illusion que les fleurs qui embaumèrent les promenades d’un poète exhalent une odeur plus exquise et que les oiseaux qui chantèrent pour le charmer trouvent des chants plus mélodieux. » La Bonne Souffrance, p. 82.