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les dernières colonnes de l’église

du talent au génie et tous les torrents mugiraient à l’aise entre la vertu la plus gigantesque et une sainteté rudimentaire.

Mais comment parler de l’âme d’un saint ? Si on peut dire, pour la confusion de l’esprit, que l’âme d’un boutiquier ou d’un employé de chemin de fer est un univers dont l’immensité morne a déterminé l’Agonie du Rédempteur, que sera-ce de ce tourbillon d’abîmes de lumière qui constitue l’âme d’un saint ? Edgar Poe, dans Eurêka, parlant de la planète Jupiter qui est trois ou quatre cents fois plus grosse que la terre et supposant la puissance de vision d’un Ange, se demande ce que pourraient être ses pensées en voyant pirouetter au-dessous de lui cet effrayant globe !…

Les paroles et les images manquent totalement ici. Tout ce qu’on peut dire, c’est que l’histoire d’un saint, c’est-à-dire d’une créature humaine inconcevablement identifiée au Créateur, est, par force, exégétique bien plus qu’apologétique. Pour l’écrire, cette histoire, à notre épo-