Page:Boccace - Décaméron.djvu/15

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qué au surplus d’intituler sa traduction : les Contes de Boccace. De Décaméron, il n’est pas plus question que si le Décaméron n’existait pas.

Donc, ni la version de Le Maçon, complète et fidèle, mais d’une lecture difficile sinon impossible, rare d’ailleurs et fort chère, ni celle de Sabatier de Castres qui, elle, est une véritable tromperie, ne sont de nature à donner de Boccace et de son œuvre capitale une idée vraie. C’est pourquoi j’ai cru qu’il serait intéressant de présenter aux lecteurs français l’auteur du Décaméron sous son véritable aspect. Aussi bien le public, venu enfin à des idées plus justes, ne veut plus de ces traductions par à peu près, avec lesquelles les Dacier, les Lebrun, les Tressan et tant d’autres depuis, l’ont si longtemps berné. Il veut connaître les chefs-d’œuvre étrangers tels qu’ils sont ; il veut savoir ce que l’auteur a dit, tout ce qu’il a dit, rien que ce qu’il a dit, comme il l’a dit. C’est à cette formule que doit dorénavant se conformer tout traducteur qui a le sentiment de sa responsabilité, et c’est ce que je me suis efforcé de faire dans la traduction qu’on va lire. À défaut d’autre mérite, elle a celui de reproduire, aussi exactement que possible, l’œuvre de Boccace et sa physionomie propre. Elle n’a rien emprunté aux traductions qui l’ont précédée ; elle a été faite directement sur l’excellente édition classique de Le Monnier, édition collationnée sur les meilleurs textes. C’est, pour employer l’expression de Montaigne, une œuvre de bonne foi avant tout.

En entreprenant ce travail, je ne m’en suis nullement dissimulé les difficultés. Boccace est, en effet, un des écrivains les plus difficiles à traduire ; non pas que chez lui le sens soit obscur, mais la contexture même de sa phrase en rend la traduction, — j’entends la traduction exacte, la seule que j’admette, — pleine de difficultés. Dans son admiration exclusive des anciens, Boccace a pris pour modèle Cicéron et sa longue période académique, dans laquelle les incidences se greffent sur les incidences, poursuivant l’idée jusqu’au bout et ne la lais-