Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/31

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suite, Le Soir de ma vie, — évoquent, en maintes pages, le souvenir des amités illustres qui peuplèrent sa vie. Nietzsche[1] l’appelait « chère amie qui m’êtes une sœur » et la prenait pour confidente de ses tristesses et de ses efforts.

R. Rolland fut aussitôt l’un des plus fidèles du salon de Mlle de Meysenbug. Il y vient chaque soir, causer musique ou art, écouter ses souvenirs ou lui jouer quelque fragment de Mozart, de Bach, de Beethoven. Il fit partie de sa vie. Il fut son familier. Entre eux, une intimité exquise s’établit dont on retrouve un écho dans plusieurs pages des Mémoires de Mahvida de Meysenbug. Même tout le chapitre XII du Soir de ma vie est consacré au jeune Français enthousiaste qui « réveillait en elle la jeunesse de la pensée et un intérêt intense pour tout ce qui est beau et poétique ». Nous avons là un portrait de R. Rolland pris sur le vif qu’il serait impardonnable de négliger.

« Ses dons musicaux ne furent pas seuls, à m’attirer vers ce jeune ami... Sur tous les autres terrains de la culture intellectuelle, il me semblait être dans son élément, aspirant toujours à un plus complet développement de lui-même... Chez ce jeune Français, je retrouvai ce même idéalisme, cette même hauteur d’aspirations, cette même intelligence profonde de toutes les grandes manifestations intellectuelles que j’ai déjà trouvées chez des hommes supérieurs de nationalité différente. Il était grand admirateur de Tolstoï ; il aimait Mozart, Bach, et par-dessus tout Beethoven... Il était dans l’enthousiasme de Wagner... À Rome il contemplait surtout les chefs-d’œuvre de la Renaissance, et sous l’influence de la grandiose nature du Midi s’épanouissait dans l’étude comme une fleur qui a trouvé son terrain propice... » (Le Soir de ma vie, pp. 309-310).

  1. Cf. Daniel Halévy, La Vie de Frédéric Nietzsche, C. Lévy, 1909, p. 180 et ss., 220 et ss., etc.