Page:Borel - L’Obélisque de Louqsor, 1836.djvu/11

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et faux. Votre cœur n’a jamais battu sous les voûtes d’un temple ; vous n’avez jamais tressailli à l’aspect d’un Murillo ou d’un Corrége ; vous n’avez jamais compris Puget ; vous ne savez ce qu’est Jean Bullant, Jean Joconde, ou Philibert Delorme ; vous êtes des cuistres aux bords de la Seine, et vous faites les poètes aux bords du Nil. Pitié !… Celui qui ne comprend pas Saint-Vandrille, Blois, Chambord, Gaillon, Royaumont, Brou ; celui-là ne peut comprendre Thèbes. Comment Celui qui troqua, lorsqu’il n’avait encore que des trèfles à sa couronne, la Diane de Poitiers de Jean Goujon contre un Ajax de Dupaty, comment Celui-là comprendrait-il un obélisque ? — Vous n’avez pas la religion des ayeux ; vous n’avez ni la religion de l’art, ni la religion de la patrie : vous voulez simuler ce que vous n’éprouvez pas ; vous voulez paraître protecteurs et jouer les Mécènes, vous affectez de la sollicitude, et pour faire remarquer votre sollicitude affectée, vous faites des extravagances ; vous voulez étonner le vulgaire par des bizarreries. Peu vous importe que vos commis brisent à coups de liasses de papiers les vitraux les plus magnifiques, vous ne vous occupez pas de si mesquines affaires, où vos soins resteraient obscurs : il vous faut des actes retentissants. Il vous faut attirer les regards de la foule, et lui extirper son admiration. Vous savez très-bien que ce n’est pas le sage et le beau qui l’ébahit ; vous voulez l’ébahir : vous agissez pour cela à merveille.

Qu’on amène ici un superbe cheval arabe, la plus