Page:Botrel - Contes du lit-clos, 1912.djvu/102

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… Vivrais-je mille ans, j’entendrais toujours
Aussi le long cri de la Voix connue
Qui monta, soudain, du Val des Amours
Où Léna guettait toujours ma venue ?…

Dans le Val profond j’arrivai bientôt
Et, près de Léna, dans l’herbe sanglante,
Je vis une Louve et son louveteau
Qui se partageaient sa chair pantelante !

Au bout de mon bras, tout en sanglotant,
Je fis tournoyer mon pen-bas terrible…
Et le monstre noir s’en fut, emportant,
Le Cœur de ma mie en sa gueule horrible !

Et, le lendemain, quand revint le jour,
On me ramena jusqu’en ma demeure,
L’œil fou, sans raison, le cœur sans Amour,
Hurlant à la Mort comme un chien qui pleure.


Et voilà-t-il pas que, dans notre enclos,
Dès le Soir tombé, je vis apparaître
La Louve maudite, au regard mi-clos
Levé tendrement jusqu’à ma fenêtre !

Je l’injuriai, lui montrai le poing :
La bête s’en fut hors de mon atteinte ;
Mais toute la nuit j’entendis au loin
Traîner, dans les Bois, une grande plainte…