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LE SOLITAIRE




Entre l’Océan vert et la verte Campagne,
Loin de tous bruits, heureux d’être un vieillard — enfin ! —
Dans mon coin je vis seul, sans enfant, sans compagne,
Sans même l’amitié d’un chien !

Je hais les jours trop longs qui font les nuits trop brèves.
Je hais les longs Étés qui font courts les Hivers :
J’aime les longs Sommeils qui ramènent les Rêves
Avec l’oubli des maux soufferts !

Assis devant mon seuil, sur un vieux banc de mousse.
J’écoute déferler le Flot plein de langueur ;
J’aime ses longs sanglots car la plainte qu’il pousse
Semble la plainte de mon cœur !

Puis, je prends mon bâton et, longuement, je rôde
Le long des chemins creux qui s’en vont n’importe où ;
Les hommes du pays m’accusent de maraude,
Les femmes disent : « C’est un fou ! »
 
On me montre le poing, souvent ; on me soupçonne
D’avoir sans doute, au cœur, un infernal dessein ;
Et, moi qui n’ai jamais fait de mal à personne,
On me traite en vil assassin !