Page:Botrel - Contes du lit-clos, 1912.djvu/55

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« Vois-tu, Joël, coûte que coûte,
« Il fallait bien se dire adieu :
« Nous ne nous reverrons sans doute
« Que chez les anges du Ciel bleu ;

« Car voici que nous prenons l’âge :
« Quatorze ans quand viendra Noël !
« Presque l’âge du mariage…
« Qu’en dis-tu, mon pauvre Joël ? »

Et je l’écoutai, sans rien dire.
Mettre son petit cœur à nu…
Je dus pleurer, peut-être rire :
Je souffrais d’un Mal inconnu ;

De mes pleurs voulant rester maître
Je me sentais devenir fou.
J’allais même en mourir peut-être
Là, près d’elle… Quand, tout à coup.

Un long cri de la jeune fille
Ranima mes sens… et je vis
Qu’un serpent mordait sa cheville,
L’enroulant de ses anneaux gris !…

Je l’écrasai sous une souche,
Puis, prenant le pied enfantin
J’y collai longuement ma bouche
Pour aspirer tout le venin.

Ô ce baiser dans cette fièvre !
Horrible, doux, mortel, sauveur !
Pour éternellement, ma lèvre
En a gardé l’âpre saveur :